Sorj Chalandon, « Le quatrième mur »

Quatrième mur blog10 sur 10

Voici un livre tellement beau qu’une semaine après l’avoir terminé, je ne sais toujours pas comment vous en parler. Au fil de ma lecture, j’ai eu à de nombreuses reprises des papillons, des frissons, la gorge qui se nouait. J’ai oublié de respirer. J’ai respiré trop vite. J’ai tremblé. Voici ma tentative d’explication.

envie

Présentation de l’éditeur

« L’idée de Sam était belle et folle : monter l’Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé.
Samuel était grec. Juif, aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour, il m’a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l’a fait promettre, à moi, petit théâtreux de patronnage. Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982, main tendue à la paix. Avant que la guerre ne m’offre brutalement la sienne… »

avis

Voilà. Je suis derrière mon ordinateur, les mains posées sur le clavier, et je ne sais pas. Tous les mots qui me viennent pour tenter d’expliquer pourquoi ce roman m’a fait un tel effet sont ancrés dans ma profonde subjectivité de lectrice. Ils sont emprunts d’émotions, et pour l’instant, j’ai l’impression qu’ils me permettent uniquement de crier partout où l’on voudra bien m’entendre de lire ce livre, de l’offrir, de se l’offrir. J’ai envie de crier partout que les coups de coeur littéraires que j’ai cru avoir eus jusqu’à présent ne sont rien à côté de ce roman. J’ai envie de vous dire que c’est le plus beau, le plus émouvant et le plus vrai de tous les livres que j’aie jamais lus ; que pour l’instant, il est le seul à pouvoir vraiment tenir chaud à mes chers Misérables. J’ai envie de vous dire tout ça, mais pour vous convaincre, peut-être faut-ils des arguments plus rationnels. Alors voici, dans le désordre, des pistes de réflexion pour tenter de vous expliquer pourquoi j’ai tellement adoré ce roman.

  •  Le livre est très, très bien écrit : le style est élégant sans être ampoulé, chaque phrase est ciselée au cordeau, les images qu’utilise le narrateur sont très fines… il y a une parfaite maîtrise de la langue française et de ses différents registres. Ça a été un vrai plaisir pour moi de lire un livre si bien écrit. Comme l’a si bien dit le poète Charles Olson, « la forme est une extension du fond. » La beauté de ce roman, c’est que la forme et le fond se répondent sans cesse, sans que l’un ne prenne vraiment le pas sur l’autre. La finesse et la beauté du langage accentuent l’histoire et le message qu’elle transmet.
  • L’intrigue m’a captivée. De page en page, je me demandais si ce projet fou allait se réaliser. J’en ai savouré chaque étape et je me suis nourrie des flash-backs qui parsèment le roman. J’ai appris des tas de choses sur la guerre au Liban, et ma totale méconnaissance du sujet ne m’a en rien empêchée de comprendre l’histoire.
  • Du début à la fin, j’ai été émue. Émue par la sensibilité des personnages, par toute l’humanité qui se dégage d’eux. Émue par les mots échangés autant que par les non-dits. Émue par les sentiments qui animent les personnages. Des sentiments reconnus ou non, mais emprunts d’une rare intensité.
  • J’ai été bouleversée, également. Parce qu’on sent que Sorj Chalandon maîtrise son sujet, parce que tout, absolument tout, sonne juste. Cette authenticité était dérangeante, parce que j’aimerais croire que certaines choses ne se sont pas produites, que certains massacres n’ont jamais eu lieux. J’aimerais croire que cette guerre n’impliquait que des militaires assoiffés de sang qui se sont tués entre eux, sans toucher aux civils. Mais cette authenticité était aussi la garante de mon plaisir de lecture, parce que c’est cette réalité-là qui, en très grande partie, fournit au livre toute son intensité. C’est une fiction mais on dirait que tout est vrai.
  • Et puis, je l’ai écouté en livre audio, et Féodor Atkine (voix française de Dr. House dans la série éponyme) a une voix magnifique qui donne une grande puissance au roman. Très loin du cynisme de House, Atkine lit le roman d’une voix à la fois puissante et fragile, émue et assertive. J’ai senti monsieur Atkine habité par le roman qu’il lisait, et cette voix résonne encore en moi aujourd’hui.
  • Enfin, l’entretien avec l’auteur, à la fin du CD, est passionnant et m’a permis d’encore mieux comprendre pourquoi j’ai trouvé ce roman tellement, tellement extraordinaire.

conclusion

Plus qu’un coup de coeur, Le quatrième mur est un coup de foudre. Cette fiction criante de vérité et remplie d’émotions est écrite avec un langage délectable, aussi fin, juste et nuancé que l’histoire qu’il raconte.

Maintenant que j’ai tenté d’être (un peu) objective, je peux enfin vous le crier vraiment. Offrez-vous ce livre, ruez-vous dessus. C’est le plus beau, le seul à la hauteur des Misérables dans ma bibliothèque, et les émotions que j’ai cru ressentir en lisant tant d’autres livres… eh bien, elles me paraissent bien petites, à côté.

2 réflexions sur “Sorj Chalandon, « Le quatrième mur »

  1. C’est vrai qu’il est vraiment magnifique, je l’ai lu il y a environ un mois et je n’ai toujours pas rédigé de chronique alors que j’en avais l’intention, un peu pour les même raisons que toi, je n’arrivais pas à aligner des mots pour montrer à quel point ce livre est beau.

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