Delphine de Vigan, « Un soir de décembre »

Vigan décembre blog

8 sur 10

J’ai découvert Delphine de Vigan il y a deux ans, quand j’ai dévoré Rien ne s’oppose à la nuit. Cette lecture m’a bouleversée, j’ai ressenti comme un électrochoc. Depuis, je lis tout ce qu’elle a déjà publié. Avec une admiration sans cesse renouvelée.

envie

Quatrième de couverture

Quarante-cinq ans, une femme, deux enfants, une vie confortable, et soudain l’envie d’écrire, le premier roman, le succès, les lettres d’admirateurs… Parmi ces lettres, celles de Sara, empreintes d’une passion ancienne qu’il croyait avoir oubliée. Et qui va tout bouleverser. Au creux du désir, l’écriture suit la trajectoire de la mémoire, violente, instinctive et trompeuse.

« C’est l’histoire d’une femme qu’il a peut-être oubliée, qui peu à peu se dessine, refait surface, cherche de l’air… »

Mon avis

Un soir de décembre, c’est l’histoire toute simple d’un écrivain presque involontaire qui trouve, parmi les lettres de ses lecteurs et lectrices, celles de Sara, la femme avec qui il a eu une liaison extraconjugale dix ans auparavant. À travers les mots de son ancienne maîtresse, Matthieu se replonge dans leur histoire, il reprend contact avec un désir et des sensations qu’il croyait enfouis. Sara se raconte, au passé et au présent. Il n’est donc pas vraiment question d’intrigue, dans ce roman. Points de situations cocasses ni de rebondissements. Seulement le mystère du dénouement que j’ai attendu avec fébrilité tout au long de ma lecture.

L’adultère n’est pas un sujet évident. Il serait facile de jeter l’opprobre sur le mari infidèle et sa maîtresse, potentielle briseuse de ménage en puissance. Il serait facile de parler de l’excitation d’une situation secrète et interdite. J’ai aimé ce roman car au travers de la subjectivité des deux protagonistes, c’est simplement un tableau que peint Delphine de Vigan. Elle ne condamne pas ses personnages, ne juge pas leur histoire. Le secret n’est pas exaltant, il est douloureux. Les moments passés ensemble ne sont pas simplement sexuels. Ils comblent un besoin aussi irrépressible que déstabilisant. La peau de l’autre, son odeur. Sa présence physique, immédiate et intense, pour compenser le manque de son absence la plupart du temps. Pour combler le vide insupportable de son absence.

« Il avait été ému. Au-delà de l’attrait du corps. »

La narration oscille entre le passé et le présent. Elle raconte les rencontres, un mariage d’amour avec une femme qui va peu à peu sentir son mari s’éloigner d’elle. Le roman raconte les tourments psychiques de la femme trompée, de l’homme adultère, de la maîtresse. La psyché de chacun, de chacune, est analysée avec mélancolie et pudeur. Les points de vue sont alternés : tantôt un narrateur au niveau des personnages, tantôt Sara, à travers ses lettres. Cela rythme le roman, qui rappelons le, est moins porté par l’intrigue que par l’exploration des sentiments et la forme.

Grâce à une écriture finement ciselée, Un soir de décembre parle de passion, de nostalgie, de souffrance, d’amour. Le roman est porté par une écriture précise, maîtrisée, et à la fois très spontanée : la narration à la troisième personne fait souvent place au discours indirect libre, comme si les personnages étaient soumis au besoin impérieux de s’impliquer, encore une fois, dans leur propre histoire. Comme s’ils voulaient tenter de prendre le dessus, afin de se raconter, eux aussi.

conclusion

Un soir de décembre est un très beau roman qui dissèque une tranche de vie sans manichéisme ni mièvrerie. Il ne cède pas à la facilité des bons sentiments consensuels. À travers l’histoire d’un adultère, il analyse les fondements de l’amour, du désir, de la sécurité affective avec une pudeur et une justesse qui m’ont impressionnée.

8 réflexions sur “Delphine de Vigan, « Un soir de décembre »

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